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Hamza Rahmouni (Le Buteur) : « A l’OL, Benlamri a été victime du timing »

A l’été 2020, puis à l’hiver 2021, l’Olympique lyonnais est allé chercher Djamel Benlamri (31 ans) puis Islam Slimani (32 ans), deux internationaux vainqueurs de la CAN 2019 et adulés en Algérie. Si certains supporters lyonnais ont pu être parfois circonspects sur leur apport cette saison, Planète Lyon a souhaité en apprendre plus sur les deux joueurs en rencontrant Hamza Rahmouni, journaliste du quotidien sportif algérien Le Buteur (équivalent de l’Équipe en Algérie, ndlr). On a pu parler du quartier d’origine de Benlamri et du drame auquel il a assisté en première division algérienne, de l’importance d’Islam Slimani chez les Fennecs même lorsqu’il n’est pas titulaire, du sujet brûlant des binationaux et de l’image que renvoie l’OL en Algérie.
La première partie de l’entretien est consacrée au gladiateur Benlamri.

Hamza Rahmouni est un journaliste algérien au quotidien sportif Le Buteur et spécialiste du football africain. Il est également animateur et consultant de l’émission week-end foot sur El Heddaf TV et présentateur sur la chaîne 3 de Radio Algérie.

Planète Lyon : Djamel Benlamri est issu d’un quartier populaire de la banlieue d’Alger, El Harrach. Un quartier qu’il semble porter dans son cœur. Peux-tu nous décrire ce quartier d’Alger réputé comme assez chaud?

Hamza Rahmouni : A Alger, il y a trois quartiers considérés comme chauds : la Casbah, Bab El Oued et El Harrach. Ce sont des quartiers populaires au sein desquels les gens sont très attachés au football. Les habitants de ces quartiers ont pour la plupart des difficultés sur le plan social. Beaucoup vivent dans de petits appartements. Mais ce sont des quartiers très intéressants pour nous, journalistes sportifs. Lorsqu’un derby algérois approche, nous aimons nous y rendre pour effectuer des reportages et prendre la température.

Benlamri semble malgré tout très fier de venir d’El Harrach…

Oui, bien sûr. Je viens moi-même de Bab El Oued et je vous confirme que les Algériens issus des quartiers populaires sont très fiers de l’endroit où ils ont grandi. 

Concernant la sélection algérienne, Benlamri aurait été boudé par Vahid Halilhodzic, suite à un rassemblement qui aurait mal tourné en 2012… Peux-tu nous en dire plus?

Il faut d’abord savoir qu’il était une pièce maîtresse de l’équipe nationale olympique. Abdelhak Benchikha était le sélectionneur, remplacé par Azzedine Aït Djoudi qui a pris sa succession. Dans le même temps, Halilhodzic faisait ses débuts à la tête de l’équipe A, donc il suivait forcément avec attention les prestations de certains joueurs de l’équipe U23, dont Djamel Benlamri. Cette période correspond également à la retraite internationale d’Antar Yahia (défenseur des Fennecs sélectionné à 53 reprises entre 2004 et 2012, ndlr), et une certaine pression médiatique était exercée pour que son successeur en défense centrale soit Djamel Benlamri. Au cours d’un stage avec des joueurs locaux, Halilhodzic le convoque, mais ça a mal tourné suite à une altercation entre le défenseur de l’OL et Faouzi Chaouchi, un ancien gardien de l’équipe nationale. Pour des raisons encore obscures, cet événement a suffi au Franco-Bosniaque pour faire une croix définitive sur Benlamri, en dépit de belles prestations du joueur en club. Ce dernier signe tout de même à la JS Kabylie dans le même temps, ce qui constitue une progression pour lui.

Pourquoi parlez-vous de “raisons obscures” au sujet du blacklistage de Benlamri par Halilhodzic ?

Je pense que Vahid Halilhodzic aurait pu donner sa chance au joueur. Dans un groupe, les conflits entre coéquipiers, ce sont des choses qui arrivent. Cela ne me semble pas être grave au point de se priver définitivement d’un joueur qui était alors performant en club. La sélection nationale connaissait de grosses difficultés en défense en plus. Benlmari était vraiment la pièce maîtresse de la JS Kabylie, une véritable tour de contrôle !

En 2016, Benlamri quitte l’Algérie pour l’Arabie Saoudite. On aurait pu penser qu’il faisait une croix sur sa carrière internationale avec ce choix. Et c’est pourtant lorsqu’il joue dans le championnat saoudien qu’il est appelé pour la première fois…

Les cartes ont totalement été redistribuées avec l’arrivée de Djamel Belmadi à la tête des Fennecs en 2018. Belmadi avait notamment pour lui le fait d’être un binational, d’être un ancien international algérien… Il connaît notre mentalité. Et surtout, l’une des principales qualités de Belmadi est qu’il écoute les joueurs : sa première séance d’entraînement a été précédée d’une réunion de trois heures avec ceux qu’il avait convoqués. Par le dialogue, il a résolu un certain nombre de problèmes au sein de l’équipe nationale.

Il ne fait pourtant pas immédiatement de Benlamri un titulaire. A quel moment entre-t-il dans le onze de l’ancien joueur de l’OM?

Au cours des éliminatoires de la CAN 2019, l’Algérie affrontait le Togo pour un match décisif pour la qualification. Belmadi avait choisi ce match à Lomé pour effectuer des changements, parmi lesquels la titularisation de Benlamri. Comme nous l’avons emporté 4-1 au Togo, et que Benlamri a sorti un match plus qu’exceptionnel, il est devenu un homme de confiance du sélectionneur. Personnellement, je n’ai pas été si surpris de sa bonne prestation, il avait pour moi un profil parfait pour jouer en Afrique noire : un combattant, plein de hargne et qui n’a peur de rien. C’est ici qu’on retrouve l’influence de son quartier d’origine : comme c’était très chaud, son apprentissage de la vie s’est fait avec l’obligation de n’avoir peur de rien ni de personne.

Sont-ce ces qualités de guerrier que Belmadi apprécie chez le défenseur de l’OL?

Oui, oui. J’insiste : Benlamri n’a peur de rien. Un match avec des clashs et des armes ne l’impressionne pas : c’est un véritable gladiateur !

En août 2014, en tout début de saison, dans des circonstances tragiques et encore obscures, après une défaite face à l’USM Alger (1-2), Albert Ebossé, alors attaquant de la JSK et proche de Benlamri, décède sur le chemin des vestiaires. Djamel a alors pensé arrêté sa carrière. Peux-tu revenir sur ce drame?

C’est un drame qui avait secoué l’ensemble du football algérien. C’est une mort qui n’a toujours pas livré l’ensemble de ses secrets, même sept ans après. Au moment où ils sont rentrés au vestiaire, il y a eu un bombardement de projectiles sur les joueurs, notamment de la part des supporters de la JS Kabylie qui étaient dépités par la défaite. C’est quelque chose de très courant en Algérie, mais je pense que cela se passe ainsi dans beaucoup de stades autour du monde. Sauf que ce jour-là, parmi les objets lancés sur la pelouse, il y avait un objet contondant ou tranchant, selon le rapport établi par le procureur de la République. C’est cet objet qui aurait touché Albert Ebossé, qui succombera à ses blessures. Il faut savoir que Ebossé était un joueur très apprécié dans le vestiaire de la JSK. Donc je pense que Benlamri a été touché par ce drame, au même titre que ses coéquipiers. Et ils ont effectivement tous évoqué un arrêt de leurs carrières de footballeurs professionnels.

Revenons à des moments plus joyeux. Quel rôle a joué Benlamri dans la conquête de la CAN 2019? Tout le monde a été marqué par son visage en sang lors de la finale face au Sénégal (1-0)…

Un cadre, tout simplement. Un cadre qui transmet son courage à ses coéquipiers. Personnellement, je n’avais pas vu l’Algérie avec une telle hargne depuis le huitième de finale contre l’Allemagne lors de la Coupe du Monde 2014 (élimination 2-1 des Algériens en 8èmes de finale après avoir poussé les futurs champions du monde en prolongations, ndlr). Lors de la CAN 2019, dès le premier match face au Kenya (2-0), on a senti l’Algérie plus motivée que jamais. Et je pense que Benlamri faisait partie de ceux qui insufflaient cette hargne et cette volonté dans l’équipe. Il faut bien se souvenir que trois mois avant le début de la compétition, lorsque Belmadi annonce qu’il se rend au Caire pour remporter la CAN, tout le monde rigole. Mais il a su transmettre sa confiance à son groupe, et Benlamri faisait partie de ses principaux relais parmi les joueurs.

Il se coltine tout de même Sadio Mané (l’attaquant du Liverpool FC) en finale !

Non seulement il doit s’occuper de Mané, mais il parvient à le mettre dans sa poche. Je vous l’ai dit, personne ne lui fait peur. Mettez-le en face de Cristiano Ronaldo, il se comportera de la même façon : en cas de duel, il peut y avoir le ballon ou le joueur qui passe, mais jamais les deux (rires).

Vue d’Algérie, est-ce une surprise de voir Benlamri signer à l’OL lors de l’été 2020 ?

Au vu de ses prestations, j’estime que ce n’était pas une surprise. Vous savez, l’ensemble de la presse sportive algérienne pense que la carrière de Benlamri est tout de même un gâchis, dans le sens où il aurait pu avoir une carrière bien bien bien (il insiste) meilleure que ça. Je l’aurais bien vu jouer en Ligue 1 dès ses 24-25 ans, puis poursuivre sa carrière en Premier League par exemple.

Avant l’OL, avait-il été approché par d’autres clubs européens? Certains disent que mieux entouré, il serait arrivé en Europe beaucoup plus jeune…

Le gros problème de Benlamri est qu’il n’a pas été conseillé durant son jeune âge. Dès ses 18 ans, il était titulaire au Nasr Athletic Hussein Dey, club qui a révélé entre autres Rabah Madjer (joueur algérien emblématique des années 80, inventeur du fameux geste consistant à laisser le ballon passer entre ses jambes et en le reprenant d’une talonnade derrière la jambe d’appui, ndlr). Mais il a vraiment été mal conseillé par son entourage. On l’a encouragé à rester en Algérie pour gagner certaines sommes d’argent, et comme n’importe quel jeune mal conseillé il s’est laissé influencer.

Benlamri a la réputation de se préserver lors de ses entraînements… Penses-tu qu’avec plus de travail il serait allé plus haut? 

Je ne lui connais pas cette réputation. Ce que je peux vous dire, c’est que s’il ne travaillait pas, Belmadi ne l’aurait certainement pas appelé en sélection. Et il n’est vraiment pas du genre à faire des calculs.

A priori, Benlamri va quitter l’OL à la fin de la saison en cours. Que penses-tu de ce probable départ ? Estimes-tu que l’OL fait une erreur en ne le prolongeant pas ?

Je pense que c’est une bonne chose pour lui de quitter l’OL. Il faut qu’il retrouve du temps de jeu, la CAN 2021 approche… On va enchaîner sur les éliminatoires, puis la Coupe du Monde au Qatar. Je pense qu’à Lyon il a été victime du timing : il est arrivé sur le tard et n’a pas eu de vraie préparation d’avant-saison. À ce niveau, ça ne pardonne pas. Du point de vue du club, je pense malgré tout que les Lyonnais vont perdre un élément important qui aurait pu lui être bien utile la saison prochaine.

Crédit photo : Damien LG

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