
Le moment ne pouvait être plus mal choisi. Alors qu’ils disputent actuellement le sprint final de la saison 2020-2021 en compagnie de Lille, du PSG et de l’AS Monaco, les Gones viennent de se tirer une belle balle dans le pied, en enchaînant face à Lens (1-1) un troisième match consécutif sans victoire. Plus que le titre qui s’apparente de plus en plus à un doux rêve, c’est la qualification pour la prochaine Ligue des Champions qui se compromet journée après journée. Déjà confronté, comme tous les clubs, aux conséquences économiques de la Covid-19, une non-qualification pour la prochaine C1 serait catastrophique d’un point de vue financier. Les champions d’automne (40 points) ont sept matchs pour ne pas gâcher une saison au cours de laquelle les espoirs les plus fous ont traversé les têtes des supporters lyonnais.
Mettre une saison sans coupe d’Europe à profit
« En étant à l’Olympique lyonnais, que ce soit un PSG rayonnant ou un peu moins qui est devant, on se doit de regarder le plus haut possible. On est l’un des plus grands clubs européens, donc on a les plus grands objectifs. Cette saison, on a ce manque en Ligue des champions, mais ça nous laisse un peu plus de jours de récupération, un peu plus de force pour le week-end. On veut aller le plus haut possible, essayer de tout remporter. La saison est très serrée, on peut le voir au classement ». En fin d’année 2020, Houssem Aouar affirmait tout haut sur RMC ce que beaucoup de supporters lyonnais rêvaient tout bas : sans coupe d’Europe et avec un groupe de qualité, la saison 2020-2021 devait être celle où l’OL allait au moins titiller le PSG jusqu’au bout. Il faut dire qu’à l’époque, tous les feux sont au vert du côté de la capitale rhodanienne. Si Aouar ne sait pas encore que ses coéquipiers et lui battront Paris (1-0) au Parc des Princes quinze jours après sa déclaration, les Gones enchaînent les (très) bonnes performances en cette fin d’année 2020. Le 4-3-3 mis en place par Rudi Garcia s’avère de plus en plus fluide et permet à ses joueurs de venir notamment à bout de Monaco (4-1), Saint-Étienne (2-1) ou Nice (4-1). Terre d’accueil plutôt hostile ces dernières années, les Lyonnais réussissent même à ramener un point de Lille (1-1). A l’issue des 19 premières journées, l’OL se voit donc auréolé du titre honorifique de champion d’automne, avec une seule petite défaite (à Montpellier, 1-2), et déjà 40 points au compteur (3ème meilleur total de l’histoire du club à ce stade de la compétition). Il semble alors tout à fait légitime de mettre Lyon parmi les favoris pour le titre, tant le PSG ne domine pas le championnat comme il nous y a habitué.
L’autre argument phare permettant de placer l’OL parmi les clubs pouvant finir la saison sacrés est bien sûr l’absence de coupe d’Europe. Alors que ses poursuivants parisiens et lillois se sont qualifiés pour les tours suivants de C1 et C3, l’OL dispose et disposera jusqu’à la fin de saison d’un temps de récupération supérieur à celui de ses concurrents. « Lyon champion, je le crois. Ils ont le groupe et le talent qu’il faut. Ils ont aussi une force collective et un tempérament. Ils ont envie de travailler ensemble, ce qui n’était pas forcément le cas. Il y a une vraie constance que l’on voit. Et puis, il n’y a pas de matchs de coupe d’Europe et ça, c’est très important. » analysait par exemple Franck Leboeuf sur le plateau de Téléfoot début janvier.
Si l’OL s’était découvert de belles qualités de sprinteur lors du Final 8 l’été dernier (demi-finalistes, éliminés par le Bayern Munich sur le score de 0-3), le championnat nécessite par nature des qualités de marathoniens. Et malheureusement, partir en trombe n’a jamais été une stratégie gagnante dans un marathon.
Passage à vide ou fin du surrégime ?
Revenons au 9 janvier 2021, du côté de Rennes. Si les Lyonnais peuvent savourer ce titre honorifique de champions d’automne, ils reviennent tout de même de loin. Menés 2-0 par les Rennais, les Gones attendent les 10 dernières minutes pour arracher un nul inespéré (Depay puis Denayer). Les matchs retour n’ont alors pas débuté que certains consultants expriment déjà des doutes sur les capacités des Lyonnais à rester tout en haut. « Lyon a le parfait niveau pour être… vice-champion. Je le dis depuis fin juillet et je ne vais pas changer d’avis. Je suis désolé mais il faut être lucide : ce PSG accumule les bêtises, notamment dans ses compositions d’équipes et ses joueurs utilisés n’importe comment comme Danilo ou Mbappé. Et malgré toutes ces approximations, Paris n’est qu’à un point de l’OL. Cela veut dire que ce tout petit PSG est au même niveau que ce grand Lyon. Donc, dès que Paris va rehausser son niveau, il va repasser devant. Je constate aussi que, depuis la reprise, Lyon encaisse deux buts par match. Ce n’est pas comme cela qu’il sera champion. » lançait Rolland Courbis dans les colonnes du Parisien.
La suite des évènements donne largement raison à l’ancien entraîneur de l’OM : premiers à la mi-saison, les Gones n’occupent que la 4ème place sur le classement des matchs retour (21 points). Avec 6 victoires, 3 nuls et 3 défaites, l’OL est assez largement devancé par ses trois concurrents directs pour le titre que sont Monaco (29 points), Lille (27) et Paris (24). Les joueurs de Rudi Garcia se sont notamment mis en difficultés à domicile en ne parvenant pas à venir à bout de Metz (0-1), Montpellier (1-2) et Paris (2-4). Une question apparaît donc comme légitime : les Gones étaient-ils en surrégime lors de la première partie de saison ?
Cette thèse a tendance à se valider lorsqu’on analyse en détails les difficultés des hommes de Garcia. Premier exemple : l’efficacité offensive. Avec une moyenne de près de 16 tirs par match, l’OL est l’équipe qui tente le plus sa chance en Ligue 1. Pourtant, l’attaque lyonnaise n’occupe que la 3ème place en nombre de buts (60), confirmant ainsi des problèmes d’efficacité ayant des airs de déjà-vu du côté de la capitale des Gaules. « Durant ces 9 jours, on a pu travailler l’animation offensive. C’est là où on doit trouver l’efficacité et le réalisme, comme l’a dit Tino Kadewere. On a travaillé la relation entre les attaquants. On sait qu’il faudra mettre ça contre Lorient pour gagner. On a eu des occasions franches en début de match. On doit faire mieux sur les frappes. On ne cadre pas assez. Nos attaquants vont vite retrouver le chemin des filets et ils vont enchaîner. On a travaillé les relations entre les attaquants. On doit améliorer la dernière passe et la finition ». Cette analyse de Garcia qui date de fin-septembre 2020 pourrait tout à fait s’appliquer en ce moment tant les Lyonnais ont des difficultés à transformer leurs occasions ces derniers temps. Samedi à Lens, alors que Memphis n’était pas dans son assiette, tous les supporters ont eu le sentiment que dix occasions n’auraient pas suffi à Kadewere et Toko-Ekambi pour espérer ne serait-ce qu’un but… Et encore faut-il être servi correctement !
Salué par la presse nationale après l’exploit réalisé au Parc des Princes à la mi-décembre 2020 (1-0), le sexy milieu de l’OL semble lui aussi marquer le pas. Alors qu’il aurait dû être le leader technique de l’entrejeu lyonnais après un départ avorté lors du dernier mercato estival, l’irrégularité chronique d’Houssem Aouar illustre parfaitement cette baisse de régime. « Ça fait plus d’un an que je dis que Lyon joue comme Aouar. Il joue comme un vieux de 35 ans. Il fait tourner le ballon, il n’accélère plus. Autant je l’ai encensé à ses débuts, car il accélérait le jeu de Lyon. Sur le côté, il prenait le ballon, il éliminait, il faisait des centres, il jouait pour les autres… » taclait même Domenech sur le plateau de l’Équipe du Soir mi-novembre 2020. Très certainement à nouveau sur le départ à l’issue de la saison en cours, Houssem Aouar et ses coéquipiers ont encore sept matchs pour sauver les meubles et atteindre le premier objectif fixé par le président Aulas en début de saison : faire résonner à nouveau l’hymne de la Ligue des Champions au Groupama Stadium.
7 matchs, 7 finales
« On est certainement les perdants de ce week-end, donc faisons en sorte d’être les gagnants sur les sept prochains week-ends. On est tombés du podium, on va être chasseur face aux trois autres équipes devant et heureusement on va en affronter deux (Lille et Monaco). Mais on fait une mauvaise opération. Quand on est quatrièmes, on va garder l’humilité de ne pas parler de titre. Faisons en sorte quand les confrontations directes contre Lille et Monaco vont arriver d’être en mesure de se rapprocher ou de les dépasser… » convenait Garcia après le match à Lens samedi. Le danger ne vient-il pas justement du fait de se consacrer uniquement sur le classement sans s’arrêter sur le contenu ? C’est le sens de l’analyse de Jocelyn Gourvennec sur le plateau du CFC : « Je trouve que Rudi Garcia parle beaucoup du classement, de la première place, du podium, mais ça devient contre-productif. On a l’impression qu’il ne se focalise plus que là-dessus. Et ça déteint sur les joueurs… Par exemple, Galtier, il parle du contenu, il ne parle pas de titre. Tout le monde sait que l’OL est dans la course. Garcia n’a pas besoin d’en rajouter. Le fait de focaliser l’attention sur le classement, ce n’est pas une bonne idée. Pour les joueurs, c’est important de rester sur le contenu, les matchs. Le résultat doit être la conséquence. Les Lyonnais pensent plus à ce qu’il se passera après que pendant le match… ».
Au moins en partie dans le vrai, l’analyse du consultant de Canal Plus doit pousser les Lyonnais à réfléchir et se remettre en question. Avec un point de retard sur Monaco et cinq sur Lille, l’OL n’est effectivement pas définitivement largué de la course à la C1, voire même au titre. Mais pour rattraper ce retard, les Gones devront jouer de bien meilleures partitions que celles proposées par exemple à Marseille (1-1), Reims (1-1) ou Lens (1-1). Cela commencera par une double victoire impérative face à Lille (34ème journée) et sur la pelouse de Monaco (35ème journée). Après tout, quand on prétend avoir le standing pour disputer la Ligue des Champions, se débarrasser de ses concurrents nationaux ne doit pas constituer une difficulté majeure. Mais l’OL devra également écarter Angers, Nantes, Lorient, Nîmes et Nice pour s’assurer a minima une place sur le podium. Sans dépassement de soi en revanche, les Lyonnais pourront faire tous les calculs d’apothicaire qu’ils veulent : la prochaine édition de la Ligue des Champions se déroulera sans eux. Un été encore plus mouvementé que prévu débutera alors…
Crédit photos : Damien LG
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