
« On s’est arrangé sur le dos de l’OL, je maintiens mes informations. Ils l’ont fait sciemment pour écarter Lyon de la coupe d’Europe. Ils ont fait ça parce que Jean-Michel Aulas dérange. C’est une petite vengeance ». Sûr de son fait, le journaliste du Parisien Dominique Séverac a réaffirmé sur le plateau d’OL Night System ce qui se serait tramé en coulisses pour punir Jean-Michel Aulas et défavoriser l’OL.
Grand perdant de la décision de la LFP qui consistait à arrêter le championnat à la 28ème journée en utilisant la formule du quotient (rapport points/matchs disputés) pour établir le classement final, le président Aulas crie au complot depuis l’annonce de la décision. D’abord moqué de toutes parts, le temps semble de plus en plus faire pencher la balance en faveur du président rhodanien : la France est le seul championnat 2019-2020 du top 5 européen à ne pas être allé à son terme, et les résultats des clubs français en Coupe d’Europe plaident pour un retour de l’OL au niveau continental le plus rapidement possible.
Le début d’une “affaire d’Etat” comme le dénonce le président Aulas depuis le mois de mars ?
Mars 2020 : la L1 face au dilemme sanitaire
Un an déjà. Le 17 mars 2020, le gouvernement appelait tous les Français à se confiner chez eux et limiter au maximum leurs déplacements. Pour freiner l’épidémie de la Covid-19, toutes les activités occasionnant des regroupements avaient été interdites quatre jours plus tôt, football compris. Ainsi, pendant deux mois, aucun amateur de ballon rond n’a pu suivre le moindre match, et la question de la destinée des championnats en cours s’est alors posée. Si l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et l’Angleterre ont fait le choix de temporiser, les débats ont pris une autre tournure en France. A cette époque, l’Olympique lyonnais est en pleine “remontada” au classement (14èmes sous Sylvinho, les Gones étaient revenus à la 7ème place avec Garcia à 10 journées de la fin) et il est tout à fait logique de voir le président Aulas proposer toute une série d’alternatives autres que celle consistant à arrêter le championnat à la 28ème journée.
En effet, cette dernière provoquerait la première non qualification européenne de l’OL au XXIème siècle. Impensable pour JMA qui préconise plutôt une saison blanche dans les colonnes du Monde : « Le règlement, appliqué à ceux qui n’ont pas de bons résultats et auraient dû descendre, serait aussi appliqué aussi à ceux qui sont en haut du tableau et qui auraient pu jouer des qualifications européennes. Il faut être dans les premiers à la fin du championnat. Si on arrêtait le Tour de France à la douzième étape, je ne sais pas si on dirait que le Tour a sacré ses champions. Dans tous les cas, il faut regarder ce que disent les règlements. Juridiquement, il est plus acceptable de dire que l’on repart avec la situation du début de saison. De toute façon, nous sommes face à une situation très pénalisante pour tous les clubs. Il faudrait prendre la décision la plus logique dans un contexte de pandémie inconnu jusqu’alors. »
Deuxième de Ligue 1 et jamais dernier au moment de cracher sur le président de l’OL, Jacques-Henri Eyraud (président de l’OM d’octobre 2016 à février 2021) s’empresse de prendre sa plume pour écrire une tribune dans le JDD et indiquer tout le mal qu’il pensait de cette proposition, mais aussi de son émetteur : « Quand la fièvre sera retombée, Jean-Michel Aulas verra l’obscénité de sa proposition opportuniste. Faut-il les dissoudre dans l’égoïsme de celui dont la seule boussole est sa participation à la Ligue des champions? Alors, si les joueurs de Lyon n’ont pas encore réussi à se qualifier pour l’épreuve reine, il reste un joker : le coronavirus ». De son côté, la présidente de la LFP Nathalie Boy de la Tour (remplacée par Vincent Labrune depuis) rappelle au président lyonnais, sur l’antenne de Bein Sports, son devoir de solidarité envers l’ensemble du foot professionnel français : « Il est beaucoup trop tôt pour imaginer quoique ce soit. Bien entendu, on travaille sur tous les scénarios. Là, je vous le dis et je vous le répète, à un moment, ce n’est pas la décision d’une personne. Le football, c’est la solidarité entre les quarante clubs et l’ensemble des acteurs du foot. Ces paroles n’engagent que lui. La solution évoquée par le président de l’OL n’est pas celle qui est arrêtée par le conseil d’administration. »
Le 30 avril 2020, le conseil d’administration de la LFP (composé entre autres de plusieurs présidents de clubs) vote puis annonce finalement son choix d’arrêter définitivement le championnat à la 28ème journée. Le PSG est sacré champion, Marseille et Rennes verront la C1. L’OL finit donc cette saison 2019-2020 à la première place non-qualificative pour une coupe d’Europe, mais n’est pas le seul club lésé : Lillois (4èmes et toujours en course pour une qualif’ en LDC), Amiénois et Toulousains (toujours en course pour un éventuel maintien) font immédiatement part de leur mécontentement vis-à-vis de cette décision. Pourtant, ce ne sont pas leurs clubs qui sont directement visés…
Le plaisir coupable de se faire Jean-Michel Aulas
Si le président Aulas s’était fait renvoyer dans les cordes avec sa proposition de saison blanche, il ne s’était pas arrêté là pour autant. La veille de la décision définitive de la LFP, JMA avait transmis à la LFP un document de 23 pages présentant un projet de play-offs à l’été 2020, permettant un verdict plus juste pour les haut et bas de classement. Ce que le président de l’OL n’avait pas encore compris, c’est que toutes ses propositions seraient tuées dans l’œuf par ses homologues, avant même d’avoir été ne serait-ce qu’envisagées.
Dominique Séverac, le journaliste du Parisien remettant au goût du jour cette affaire, expliquait déjà en mai 2020 que les présidents de club n’avaient en réalité débattu que de deux solutions possibles : l’arrêt du championnat à la J27, dernière journée disputée en entier lors de la saison 2019-2020, ou à la J28 avec quotient, qui possédait aussi l’avantage d’aligner la décision de la Ligue sur celle de la Fédération, qui a procédé ainsi après l’arrêt de ses compétitions chez les amateurs. La différence entre ces deux options ? A la J27, Lyon était 5e et en Europa League ; à la J28, il n’était plus que 7e et qualifié pour rien. Sur le dos du président de l’OL, plusieurs clubs de Ligue 1 se seraient alors entendus sur la deuxième solution. Pour mener à bien cette fronde anti-Aulas, les présidents du PSG, de Marseille, de Rennes et de Saint-Étienne se seraient réunis dans un groupe WhatsApp fermé pour se mettre d’accord sur une ligne commune à suivre. Une fois leurs violons accordés, ils auraient ensuite fait un intense lobbying afin de convaincre le reste de la L1 de les suivre.
Arrêt des championnats : la petite vengeance de la Ligue 1 contre Jean-Michel Aulas – Le Parisien @OL @Sports_gouv @mohamedbouhafsi @etiennemoatti Si ce qui est écrit se révélait exact cela deviendrait une affaire d’état ? https://t.co/YnGoCBJai6
— Jean-Michel AULAS (@JM_Aulas) May 13, 2020
Suite à ses révélations du Parisien, le président Aulas va montrer toute sa détermination à ne pas en rester là en faisant le choix d’écrire directement aux parlementaires. Dans ce courrier, il égratigne notamment la ministre des Sports Roxana Maracineanu, qui aurait menti sur le fait que l’UEFA lui aurait imposé d’arrêter le championnat ou de le poursuivre et de le terminer avant le 3 août. Il appuie également sur les conséquences économiques désastreuses des décisions prises par la LFP, alors qu’un projet de loi est en cours pour protéger juridiquement les décisions prises par l’instance…
Deux jours plus tard, c’est au tour du regretté Gérard Houllier de prendre la parole sur OL TV. Selon l’ex-conseiller de Jean-Michel Aulas, il n’y a aucun doute à avoir : la décision d’arrêter prématurément est le fait d’un « axe OM-PSG qui a frappé fort. Il s’est mis des alliés de son côté avec des arrangements entre amis et je pense que c’était surtout un complot ». L’ancien entraîneur de l’OL va même plus loin en évoquant une intervention plus ou moins lointaine des sommets de la République : « Ce sera étouffé car je dirai que l’État est présent et partie prenante. J’ai suivi toutes les conférences de presse d’Emmanuel Macron ou Édouard Philippe et on n’a jamais parlé de sport. Et comme par hasard, sur la dernière, on dit que le championnat ne pourra pas reprendre. C’était la première fois que l’on parlait de sport. J’ai trouvé ça un peu bizarre ». Troublant.
Clore le temps médiatique, ouvrir le temps judiciaire
Les informations de Dominique Séverac (Le Parisien) vont pourtant bien dans le sens des propos de Gérard Houllier. Selon le journal francilien, en plus du vote de la LFP, la décision d’arrêter définitivement le championnat à la 28ème journée aurait été prise avec l’aval de l’Élysée. S’étant notamment entretenu avec Didier Deschamps et Noël Le Graët (président de la FFF), le président Macron aurait également accordé son écoute à un homme totalement partie prenante du dossier : un certain Jacques-Henri Eyraud ! Et si on aurait pu penser que la présence de JHE dans sa ville natale était liée avant tout à la défense du club qu’il préside, le Parisien va plus loin en révélant que le président de l’OM représentait en fait l’intérêt de tous les gros clubs de L1, à l’exception de l’OL bien entendu.
C’est donc un nouveau chapitre qui s’ouvre dans une affaire dont on devrait reparler dans les prochaines semaines. Fidèle à ses principes, le président Aulas n’avait de toute façon pas abandonné la bataille juridique pour obtenir réparation : « Oui, il a été maintenu (le recours de Lyon après l’arrêt du championnat, ndlr), et contre la Ligue, et contre l’État. Soit c’est l’État, soit c’est la Ligue qui a dit d’arrêter. Comme le Conseil d’État a dit que c’est la Ligue, on va demander des comptes à la Ligue. Et si la Ligue nous dit que c’est l’État, on se retournera. Parce que personne, de bonne foi, ne peut prétendre que nous n’avons pas été lésés. » signalait JMA dans l’Équipe il y a quinze jours.
Un an après le début des ennuis pandémiques, beaucoup d’acteurs du dossier ont disparu de la circulation : Eyraud a été démis de ses fonctions à l’OM, Boy de la Tour a été remplacée par le président Labrune à la tête de la LFP et les résultats des clubs français en coupes d’Europe (l’OM et Rennes ont ramené 4 points à deux) laissent clairement penser que la présence de l’OL chaque année relève de l’intérêt national. Il est donc grand temps que la lumière soit faite sur les conditions dans lesquelles cette saison 2019-2020 a été prématurément arrêtée. Si les informations de Séverac sont confirmées, il paraîtrait logique (et juste) que l’OL obtienne réparation et que Jean-Michel Aulas voit son honneur lavé.
Crédit photo : Damien LG
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