Memphis Depay, cas contraste

Annoncé sur le départ lors de chaque mercato, Memphis Depay porte toujours sur ses épaules le maillot des gones en novembre 2020, faute d’offre. Leader technique de l’équipe, l’international oranje en est même le capitaine. Pourtant, 4 ans après son arrivée entre Rhône et Saône, les interrogations demeurent. D’une irrégularité folle, son parcours lyonnais oscille entre coups de génie, performances de classe mondiale, inconstance coupable dans les grands RDV et envies d’ailleurs irrépressibles. S’il n’a cessé de clamer le contraire, son idylle quasi « forcée » avec l’OL pourrait néanmoins prendre fin dès le mois de janvier prochain, lui qui se voit déjà revêtir le maillot du grand Barça. Mais en a-t-il vraiment le niveau ?
Memphis, roi des stats…
Arrivé au beau milieu de l’hiver 2016 à Lyon, Memphis a rempli son objectif : relancer une carrière à l’arrêt, pour devenir l’un des plus grands talents du championnat français. Début septembre, une statistique est relayée par tous les médias sportifs abordant le cas Depay : en 139 matchs disputés sous le maillot olympien, le stratège hollandais a marqué 57 buts et délivré 43 passes décisives. Il a donc directement marqué de son empreinte 100 des 139 rencontres disputées. Tout bonnement hallucinant.
Au-delà de ce ratio impressionnant, Depay a multiplié les éclairs de génie avec des réalisations somptueuses et libératrices. Ainsi, son but stratosphérique offrant la victoire à l’OL face à Paris dans le temps additionnel d’un match haletant de la saison 2017-2018 reste encore dans toutes les mémoires. Depuis le vendredi 28 août et son triplé face à Dijon, le Néerlandais est même un peu plus rentré dans l’histoire lyonnaise en devenant le meilleur buteur du Groupama Stadium, avec un total de 32 unités.
Au mois d’octobre, l’agence spécialisée en statistiques sportives Opta Sports place même l’homme fort du début de saison de l’OL en tête du classement des passes décisives délivrées en Ligue 1 depuis janvier 2017 (35). Il précède ainsi le Parisien Angel Di Maria (34) et le Marseillais Florian Thauvin (29). Néanmoins, il convient de préciser que cette classification ne prend pas en compte le nombre de matchs effectivement joués : Memphis a ainsi joué 89 matchs de Ligue 1, contre 76 pour Florian Thauvin. La nuance a son importance.
Néanmoins, force est de constater qu’après la 8ème journée du championnat, Depay est impliqué dans 58% des buts lyonnais, en n’ayant pas toujours été titulaire cette saison. Aujourd’hui, l’attaquant batave émarge à 5 buts et 3 passes décisives, en 10 matchs de Ligue 1. Des chiffres toujours avantageux pour un joueur qui a pourtant disparu des radars dimanche soir lors du derby victorieux -mais laborieux- face à l’AS Saint-Etienne, esseulé à un poste d’ailier qui ne lui convient pas.
… Mais qui boude les grands matchs
Malgré ses coups d’éclats, les traversées du désert du surdoué Memphis ont été nombreuses. En effet, ses 4 saisons lyonnaises ont été ponctuées de bon nombre de mauvaises prestations. Aussi étonnant que cela puisse paraître pour un joueur de son calibre, l’international oranje n’a pas toujours été un titulaire indiscutable à Lyon. Genesio avait même fait de l’enfant de Moordrecht son supersub durant un temps en 2018. Pour le piquer au vif.
Comme un symbole, c’est au sommet de sa forme que le destin le fauche en plein vol. Après un début de saison tonitruant, Memphis Depay est victime d’une rupture des ligaments croisés le 15 décembre 2019. Une blessure terrible pour le joueur, qui est écarté des terrains pendant 6 mois. Un coup dur pour son club également, qui ne se remettra pas sportivement de la perte de son artificier offensif et qui terminera la saison à la place historiquement basse que l’on connaît…
Si sa magnifique panenka a permis à l’OL d’éliminer la grande Juventus en 8ème de finale retour de la Ligue des champions au mois d’août, Memphis n’a pas vraiment brillé lors du (magnifique) voyage lyonnais à Lisbonne pour le Final 8. Malgré tout, il est difficile de lui en tenir rigueur au regard de la grave blessure subie. Preuve de son professionnalisme et véritable force de la nature, Memphis est d’ailleurs revenu à son meilleur niveau en un temps record.
En outre, on en oublierait presque que Memphis a vu défiler à l’OL une ribambelle de stars du cru depuis 2016. Lacazette, Fékir, Tolisso, entre autres, ont gambadé à ses côtés sur le rectangle vert lyonnais. Il est d’autant plus surprenant que la présence d’une telle armada offensive n’ait pas permis de lutter plus longuement en Ligue 1 face à l’inatteignable PSG. S’il est vrai que le football se joue à 11 et qu’attribuer ce relatif échec sportif au seul néerlandais relèverait d’un mauvais procès d’intention, il convient cependant de rappeler que le sort de certains matchs décisifs réside bien souvent dans les pieds d’un seul homme. Un rôle que Memphis a malheureusement endossé avec grande parcimonie à l’OL. Son face à face raté face au Bayern de Munich en demi-finale de Ligue des champions en est le parfait exemple, tout comme sa performance confuse lors de la double confrontation contre le FC Barcelone entre février (0-0) et mars 2019 (5-1).
Aucun titre remporté avec l’OL
Si son entente sur et dehors du terrain avec celui qu’il considère comme son frère Houssem Aouar est belle, elle ne suffit pas à faire gagner le club lyonnais sur le plan national. Aujourd’hui, l’OL n’est plus ce club outsider qui se tapit dans l’ombre du PSG, en embuscade. Le combat est ailleurs. Les protégés de Jean-Michel Aulas doivent davantage lutter face à de nouveaux concurrents directs à la course à l’Europe, comme Lille, Rennes et Nice.
Vraiment à son aise en soutien direct de l’attaquant ou au poste de 9 -il a souvent brillé lorsqu’il a pris la place de Moussa Dembele dans l’axe de l’attaque lyonnaise-, les récentes très bonnes performances de Memphis appellent à la nuance. En ce début d’année, Depay a surnagé face à Dijon, Strasbourg et Monaco. Autant de clubs qui font la grimace en Ligue 1 et qui ont sombré tactiquement face à Lyon en se découvrant trop facilement défensivement.
Plus largement, Memphis Depay est peut-être le joueur symbolisant le mieux cet OL « newlook », davantage porté sur des talents internationaux, qui peinent à faire leur trou dans les grands clubs européens. Le résultat de cette politique de recrutement s’avère quasi nul, si l’on se réfère exclusivement au palmarès du club, resté vierge depuis 2012.
Sur le sol hexagonal, les miettes laissées par l’insatiable PSG auraient dû bénéficier à l’OL, deuxième budget du championnat de France. Malheureusement, il n’en n’a rien été. Le Lyonnais Memphis a vu en 2019 le RC Strasbourg brandir une Coupe de la Ligue et le Stade Rennais une Coupe de France. Il y avait donc la place pour capitaine Depay et ses petits copains de ramener une part du gâteau entre Rhône et Saône, aussi fine soit-elle… La dernière finale de la Coupe de la Ligue de l’histoire qui a vu cette année l’OL s’incliner aux penaltys face au PSG aurait pu mettre à mal cet argumentaire, si Bertrand Traoré n’avait pas tremblé lors de la séance fatidique. Mais avec des « si », on mettrait Paris en bouteille…
A la vue de ses prédispositions pour le ballon rond -et de ce qu’il aime dire de son niveau intrinsèque en conférence de presse-, il est normal que les observateurs et les fans de l’OL attendent encore énormément de lui. Parce qu’il est un talent à l’état pur, Memphis aurait dû être le guide de l’équipe, son chef d’orchestre. Beaucoup plus souvent et régulièrement.
Un impératif pour l’ancien mancunien : retrouver la Ligue des champions
Depay ne s’en est jamais caché. Participer aux joutes européennes chaque saison constitue pour lui un impératif sportif. Tailler pour la Ligue des Champions, il ne peut se permettre à 26 ans d’évoluer une année entière sans coupe d’Europe. Ses envies de rejoindre ce qu’il est de coutume d’appeler un « top club européen » ne sont pas nouvelles, même s’il a toujours clamé son attachement à Lyon. Contre toute attente, la cataclysmique 7ème place en Ligue 1 de l’OL la saison dernière n’aura finalement pas eu raison de ses velléités sédentaires. Courant octobre, Memphis déclarait : « Je suis fier d’être un joueur de Lyon et d’en être le capitaine. Des choses ont été mal comprises. Ce que l’on dit dans les médias n’est pas toujours vrai (…). Vraiment, j’aime ce club. Je sais que certains en doutent mais mon esprit est ici (…). Depuis que le mercato est fermé, j’ai retrouvé une forme de paix ». Déclaration d’amour véritable ou simple coup de com’ du capitaine lyonnais ? Dur de statuer.
Dans tous les cas, la raison du prolongement de son aventure à l’OL réside surtout et avant tout dans le contexte économico-sanitaire européen, plutôt instable. Avec une temporalité invitant les clubs de football à l’épargne et une période qui a pu refroidir directement les ardeurs dépensières… Du FC Barcelone.
Objectif FC Barcelone en janvier ?
Annoncé du côté du FC Barcelone jusqu’à la toute fin du mercato estival contre la coquette somme de 20 à 25 millions d’euros, Memphis semblait avoir succombé aux sirènes espagnoles ainsi qu’aux appels du pieds incessants de Ronald Koeman. Une porte de sortie de luxe dans le club le plus riche du monde, mais surprenante pour un élément du onze lyonnais qui n’a pas toujours fait l’unanimité parmi les observateurs. Jean-Michel Aulas avait lui-même confirmé des contacts avancés avec l’ogre espagnol début septembre… Avant d’annoncer l’entrée dans la danse d’un nouveau club pour son poulain : l’AS Roma.
Ces dernières heures, certains médias ibériques signalent que l’arrivée de Memphis en terres catalanes serait d’ores et déjà bouclée. Une véritable aubaine pour l’attaquant batave, qui a comme perspective de pouvoir évoluer dans l’une des meilleurs écurie du monde et d’y retrouver à sa tête son technicien et mentor néerlandais. Les dés semblent cette fois jetés pour le départ du roi Memphis de l’autre côté des Pyrénées.
Sa dernière sortie médiatique pour la chaîne Téléfoot, dans laquelle il critique l’OL et ses ambitions, fait déjà office de testament : « je ne fais pas faire des promesses que je ne suis pas sûr de tenir. On devrait profiter de ma présence ici ». Rideau.
Une carrière en dents de scie pour l’olympien
Alors, que retenir de Memphis Depay entre Rhône et Saône ? Résumer la carrière de l’artiste sous le maillot lyonnais est impossible, tant ses faits d’armes sont nombreux. En conflit ouvert en novembre dernier avec certains ultras pour protéger ses coéquipiers un sombre soir de qualification européenne, le meilleur joueur de l’effectif des gones laissera un goût doux-amer à ses supporters. Capable de porter son équipe à bout de bras mais de disparaître complètement dans les grands matchs, le capitaine lyonnais aura constamment allié génie et inconstance lors de son passage en France.
A l’OL de savoir compenser ce probable très gros départ, symptomatique du fonctionnement d’un club qui ne parvient pas à retenir ses meilleurs éléments face aux superpuissances financières du football européen contemporain. L’OL et ses fans ont néanmoins de quoi rester confiants : on nous glisse à l’oreillette qu’un certain Lucas Paquetá serait d’ores et déjà prêt pour la passation des clés du royaume… Car oui, un lion peut en cacher un autre.
Crédit photo : Damien LG