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Derby : ils ont porté les deux maillots

Dimanche se jouera le 121ème derby de l’Histoire, et ce sera l’occasion pour l’Olympique lyonnais d’égaliser Saint-Étienne au nombre de victoires (44 à 43 pour les Verts avant cette rencontre). S’il s’agit d’un match à part pour tout passionné de foot résidant dans la région Auvergne Rhône-Alpes, il l’est d’autant plus pour une catégorie de joueurs appartenant à une race très singulière : celle de ceux qui ont porté les couleurs des deux clubs. Si pour certains, le passage chez l’ennemi s’est fait sans trop d’encombres, d’autres auraient mieux fait de s’abstenir, en se contentant de ne porter qu’un seul des deux maillots. Planète Lyon vous raconte l’expérience de ces joueurs qui ont porté et les couleurs de l’OL, et celles de l’ASSE.

Se faire adopter quand on arrive chez l’ennemi

« Quand je sortais de l’entraînement, je trouvais très souvent des petits mots sur mon pare-brise. Les supporters stéphanois m’écrivaient « C’est bien que vous soyez là », « Bonne chance pour le prochain match. » À l’arrivée, j’ai passé une année super. » . Faisant face à des difficultés financières, l’OL n’avait eu d’autre choix que de vendre Bernard Lacombe à Saint-Étienne en 1978, attaquant vedette ayant inscrit pas moins de 149 buts pour les Gones. Si ce départ avait été un déchirement pour lui, Nanard reste notamment marqué par les deux derbies qu’il a disputé au cours de la seule saison stéphanoise de sa carrière. Au match aller à Gerland, il se trompe de vestiaire et passe totalement au travers de son match (victoire 2-0 de Lyon). Il gère beaucoup mieux son match retour (victoire 3-0 des Verts avec un but de Lacombe), en adoptant une stratégie de concentration adaptée à l’émotion risquant de le déborder à tout moment : « Je suis exceptionnellement resté dans le vestiaire pour me préparer avant le coup d’envoi. Je ne voulais pas croiser mes anciens partenaires lyonnais à l’échauffement et à nouveau perdre ma concentration. ». confiait à l’Équipe l’ex-international aux 38 sélections (12 buts). A la fin des années 80, faire les 50 kilomètres qui séparent Lyon de Saint-Etienne ne semblait donc pas être une difficulté insurmontable. Les décennies suivantes vont rendre l’exercice beaucoup plus périlleux pour ceux qui oseront sauter le pas.

Formé à l’ASSE, Grégory Coupet accepte de rejoindre l’OL en 1997, le club cherchant alors un remplaçant à un Pascal Olmeta licencié quelques semaines plus tôt, pour avoir envoyé son coéquipier Jean-Luc Sassus à l’hôpital, des suites d’une bagarre. « Pendant facilement deux-trois ans, quand on subissait une défaite, je recevais des colis pas très sympas à l’entraînement. Il a fallu que le temps fasse son travail, quoi. En plus, il faut savoir que j’arrive après Olmeta qui était un demi-dieu à Lyon, donc ce n’est jamais évident. » racontait-il à So Foot en novembre 2014. Le portier, qui soulèvera tout de même 14 trophées avec l’OL, ne reniera pourtant jamais ses débuts professionnels dans le Forez : « Tu demandes à n’importe quel joueur, il te dira pareil : le club dans lequel il a été formé, c’est toujours quelque chose d’important pour lui. Et même si j’ai fait un très gros passage à l’OL, je ne peux pas cracher sur Saint-Étienne, c’est impossible ».

Jérémy Clément (formé à l’OL, puis joueur confirmé à Saint-Etienne de 2011 à 2017) abonde dans le même sens que son ex-coéquipier sur le site du magazine So Foot en avril 2020 : « Je ne suis pas suisse, mais ce sont deux clubs très importants pour moi et envers lesquels j’ai une immense reconnaissance. J’ai eu la chance de jouer dans les deux plus grands clubs de la région et d’avoir une belle relation avec eux, même s’ils se détestent ». Si le gardien et le milieu de terrain ont su se faire apprécier au sein des deux clubs, c’est entre autres parce qu’ils ont su se montrer se montrer performants au moment d’enfiler le maillot du rival.

La performance immédiate, meilleure solution pour rendre le supporter amnésique

A l’été 2009, Lyon, orphelin de Karim Benzema parti conquérir l’Europe à Madrid, surprend tout le monde en délogeant Bafétimbi Gomis de Saint-Étienne, attaquant devenu international avec le maillot vert sur les épaules. Si la greffe aurait du avoir beaucoup de mal à prendre, l’actuel joueur d’Al-Hilal FC (Arabie Saoudite) va mettre tout le monde d’accord dès son premier derby disputé sous ses nouvelles couleurs. Nous sommes alors au mois d’octobre 2009, et Claude Puel, sûrement refroidi par le caillassage du bus de son équipe à leur arrivée dans la Loire, préfère laisser son numéro 18 sur le banc pour son retour dans le Chaudron. Les équipes ne parvenant pas à se départager, Puel décide de lancer son supersub et Bafé offre la victoire à l’OL (1-0), malgré la pluie de sifflets reçus à chaque ballon touché. Par la suite, même s’il a pu alterner le bon et le moins bon, son passé stéphanois ne lui sera plus jamais rappelé, n’oubliant pas d’exécuter une consigne que lui avait donnée Bernard Lacombe à son arrivée à Lyon : ne plus célébrer ses buts façon panthère.

Un an et demi plus tôt, lors du mercato hivernal 2007, Frédéric Piquionne, joueur de Saint-Étienne depuis 2004, avait fait des pieds et des mains pour rejoindre le club rhodanien qui le convoitait ardemment. Le joueur se voit alors opposer un fin de non-recevoir par l’ASSE, ce qui le poussera à aller au clash dans les médias : « Je suis peut-être noir mais pas un esclave ». Les limites étant dépassées, Piquionne est finalement prêté à Monaco pour les 6 derniers mois de la saison, puis définitivement transféré au sein du club monégasque l’été suivant. Un an plus tard, le natif de Nouméa voit son vœu finalement exaucé : il signe à l’OL à l’été 2008. Malheureusement pour lui, il ne sera jamais adopté par les supporters lyonnais en raison de performances très insuffisantes (4 buts sur l’ensemble de la saison). Ironie du sort, le Ballon de plomb 2008 marquera surtout son passage à l’OL par une incroyable chute puis une expulsion lors du derby de février 2009 disputé à Gerland. La saison 2008-2009 sera finalement la seule disputée sous les couleurs de l’OL par l’ancien Rennais.

Savoir tourner la page pour de bon

« Moi quand je suis arrivé à Saint-Etienne, j’ai été bien accueilli. Franchement, je n’ai jamais eu aucun souci. Après il faut être franc aussi, j’ai été catalogué comme un ancien lyonnais. Mais je pense que c’est au joueur de se mettre dans le moule. De se mettre dans l’identité du club et de montrer qu’on a envie de s’intégrer, de mouiller le maillot, de faire progresser l’équipe et de tout donner. ». Comme l’indiquait François Clerc (formé à l’OL puis Stéphanois de 2012 à 2016) à SFR Sport en 2017, en plus des performances, un joueur disposant d’un passé chez le voisin honni doit forcément redoubler d’efforts pour montrer à ses nouveaux supporters qu’il a bien tourné la page. Encore faut-il que les chapitres précédents soient considérés comme acceptables par ses nouveaux supporters.

A l’hiver 2017, Anthony Mounier (formé à l’OL) est en disette au sein du club italien de Bologne et souhaite se relancer en prêt dans le Forez. Avant même l’officialisation de la transaction, les Green Angels (l’un des principaux groupes de supporters des Verts) prennent les devants et avertissent le natif d’Aubenas via une banderole : « Mounier, nos couleurs ne seront jamais les tiennes !!! ». Il faut dire que l’ailier gauche était loin de s’être distingué pour son amour de l’ASSE les années précédentes. En 2015, revenant sur un premier transfert avorté en direction du Forez datant de 2013, Mounier semblait avoir gardé une certaine amertume : « L’ASSE, c’est un club que je n’aime pas particulièrement depuis ma plus tendre enfance. J’ai commencé le football à l’Olympique Lyonnais et tout petit, déjà, il était interdit de perdre contre les Verts. (…) Ça doit être le destin. Je ne m’en porte pas plus mal et je reste supporter de l’Olympique Lyonnais. ».

Mais ce que les supporters stéphanois gardent encore plus en travers de la gorge, c’est une vidéo de 2012 sur laquelle on voit Mounier, alors joueur de l’OGC Nice, célébrer avec rage la victoire arrachée par les siens à Geoffroy-Guichard (3-2): « On les baise les Verts ! On les baise ». Face aux menaces insistantes reçues par le joueur, l’ASSE préfère annuler le prêt. En 2017, Anthony Mounier revenait sur cette mauvaise expérience dans les colonnes de l’Équipe : « Un mec a dit au président qu’il était marié, avec enfants, mais que ça ne lui poserait pas de souci, s’il me croisait, de me démonter et qu’il était prêt à faire cinq ou six mois de prison, pas de problème ! C’est vraiment allé loin. ».

Quand on a clairement choisi son camp dans un derby, il ne faut quand même pas croire qu’on peut facilement revenir en arrière…

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