Guerre estivale des gardiens : à qui la faute ?
C’est l’affaire qui a un peu terni l’été lyonnais. La fin est tout de même heureuse pour la plupart des supporters lyonnais : leur chouchou, Anthony Lopes, prolonge jusqu’en 2023. Le « juge » Planète Lyon ouvre le procès fictif, à la recherche de coupables dans la seule polémique lyonnaise de l’été 2019.

Le président appelle à la barre Maître Valex, avocat de M.Lopes dans cette affaire. Pour rappel, le Portugais a été formé au club et en est le gardien titulaire depuis 2013.
Merci votre Honneur. Mon client, légende vivante de l’Olympique lyonnais, subit depuis quelques semaines un traitement indigne de son rang. Comment rester de marbre face à un tel acharnement à l’égard d’une personne aussi irréprochable qu’exemplaire ? D’abord, on l’accuse à tort d’envisager la planification de son départ en 2020 parce qu’il refuse de signer une prolongation de contrat. Or, cette proposition n’est certainement pas à la mesure de ce que mon client apporte à son employeur. Le temps de réflexion qu’il s’accorde est nécessaire et essentiel : pour lui, pour sa famille, pour son statut au sein du groupe lyonnais. Il est tout simplement dans son bon droit. Après tout, est-ce un crime de demander à son club de toujours une simple preuve d’amour ? Messieurs et mesdames les jurés, il est pourtant presque diffamé : à l’annonce médiatique de contacts supposément avancés avec le PSG, comment pouvons-nous suspecter M. Lopes de vouloir rejoindre une structure aux antipodes des valeurs lyonnaises ? C’est une question de bon sens : Anthony Lopes vaut mieux que les pétrodollars qataris. L’histoire qui le lie à l’OL est beaucoup trop forte pour qu’il cède en son âme et conscience aux sombres sirènes de la superficialité et de l’argent facile. Le portier lyonnais est un enfant du cru. Soyons sérieux : le voyez-vous planter un couteau dans le dos du club qui l’a vu naître ? Ensuite, sous couvert d’un impératif de concurrence inhérente aux « grands clubs », l’employeur de M. Lopes prend la décision de mettre en compétition mon client avec un autre gardien, en la personne de M. Tătărușanu, aussi talentueux et professionnel soit-il. Au lieu d’accorder toute sa confiance à son gardien phare, et à faire grandir dans le même temps le rempart de demain, M. Racioppi, l’OL décide d’intégrer un autre titulaire en puissance. Celui-ci ne s’accommodera pas de sa place de numéro 2 dans la hiérarchie et tentera, inexorablement, de déstabiliser M. Lopes dans l’exercice de ses fonctions.
En cela, le procès intenté à mon client est une vaste mascarade. Mr Lopes est le gardien titulaire de l’Olympique lyonnais. Qu’on le veuille ou non, cela relève de l’évidence sportive. Mais pas seulement : Anthony Lopes, c’est l’histoire d’un jeune homme qui a grandi dans les travées d’un stade. De “son” stade. L’antre de Gerland. Inconnu parmi les inconnus, il a crié son amour pour l’OL, entouré de ses amis d’enfance. Pour finalement s’accomplir chez lui, parmi les siens, sur le terrain. De l’autre côté de la barrière. Sans jamais oublier ces anonymes qui l’ont fait roi. Confirmer Lopes dans ses fonctions, c’est donc aussi respecter le territoire : combien de clubs peuvent se targuer actuellement de compter comme meilleur élément dans leur rang un « joueur supporter », pour qui l’amour du maillot a encore du sens ? La réponse est quasi nulle. Mais après tout, c’est peut-être le traitement que l’on aime infliger à ces joueurs si atypiques. Ces joueurs qui ne correspondent pas ou très peu au profil actuel des footballeurs mercenaires : Maxime Gonalons, en son temps, en a fait les frais…
Parce qu’il est ce qu’il se fait de mieux en France depuis deux ans, M. Lopes doit bénéficier d’une place d’indéboulonnable à l’OL. Par ses interventions spectaculaires et ses sauvetages en tout genre, Anthony Lopes a ramené un nombre incalculable de points entre Rhône et Saône depuis 2013. Pourtant, mon client refuse de s’en vanter puisqu’il s’agit de son travail. Sa modestie l’honore, et c’est à moi de vous en témoigner l’existence aujourd’hui. C’est justement pour son humilité et sa soif d’en découdre match après match pour l’écusson OL que mon client obtiendra gain de cause dans ce procès. J’en suis intimement convaincu. Nous avons donc choisi de plaider « non coupable » et en profitons pour annoncer la prolongation au club de M.Lopes jusqu’en 2023 !

Le président appelle à la barre Maître Levarlet, avocat de M. Tătărușanu dans cette affaire. Pour rappel, le gardien international roumain s’est engagé libre à l’OL cet été.
Votre Honneur, mesdames et messieurs les jurés, faire de mon client le responsable de la désormais célèbre « guerre des gardiens » est une hérésie. Je vous rappelle que c’est bien l’Olympique lyonnais qui est venu le chercher, et pas l’inverse. De plus, les dirigeants lyonnais se sont présentés avec une promesse pour le moins alléchante : le gardien titulaire actuel disposant d’un contrat se terminant dans un an, M.Tătărușanu allait pouvoir prendre place dans le but lyonnais. Lorsque mon client affirme que « personne au club ne [lui] a dit de venir pour être numéro 2, sinon [il] ne serait pas venu », il ne faut surtout pas le voir comme un caprice. Il souhaite juste que le club lyonnais honore sa promesse. En outre, je souhaite insister auprès des jurés sur le fait que la situation dans laquelle se trouve M. Tătărușanu met en péril son avenir international. Le sélectionneur roumain a rappelé qu’il souhaitait disposer d’un gardien titulaire dans son club. En manquant à son engagement, l’OL se permet donc de compromettre le futur en sélection de M. Tătărușanu, à un an de l’Euro 2020 de surcroît. Sans offenser son concurrent direct, nous parlons ici d’un gardien expérimenté, comptant plus de 60 sélections. Même en considérant l’hypothèse où le titulaire actuel restait, mon client pouvait légitimement penser qu’il serait en mesure de batailler avec celui qui n’a jamais dépassé le statut de numéro 3 en sélection portugaise. Les mauvaises langues diront que M. Tătărușanu est effrayé par la concurrence avec M.Lopes : c’est mal connaître cet homme d’expérience. Arrivé comme doublure de Neto à la Fiorentina en 2014, il était titulaire au bout d’une saison dans les cages florentines. Ciprian Tătărușanu, c’est 101 matchs avec la Viola. Il sait s’adapter à tous les contextes, ne se limitant pas à son seul club formateur…
Aujourd’hui, le problème se présente de la manière suivante : nous sommes en septembre et les dés sont définitivement pipés. Le concurrent direct de mon client a finalement prolongé son contrat, et le coach de l’OL a conforté ce dernier en tant que numéro 1. Je demande aux jurés de fermer les yeux et de se mettre à la place de mon client quelques instants : on vous promet d’être titulaire dans un club qui joue la Ligue des champions, puis on vous explique que finalement vous devrez vous contenter des coupes nationales… Pour toutes ces raisons, votre Honneur, mesdames et messieurs les jurés, mon client et moi avons décidé de plaider « non coupable » : si l’OL avait indiqué d’emblée à mon client que l’icône Lopes était intouchable, M. Tătărușanu ne serait tout simplement pas venu. En plus de son innocence, mon client souhaite que la Cour lui accorde le droit d’être prêté lors du prochain mercato hivernal. Ainsi, il engrangera du temps de jeu, ce qui lui permettra de conserver sa place en sélection.
Le président appelle à la barre Maître Telravel, avocat de l’Olympique lyonnais dans cette affaire.
Je vous remercie. Si je comprends bien les plaidoiries de mes deux confrères, l’Olympique lyonnais est fautif quel que soit le point de vue. Veuillez excuser mon client représenté par son président et son intelligente gestion anticipative. Oui, la situation de M.Lopes était problématique. Oui l’OL a fait le choix de se prémunir en recrutant un deuxième gardien de haut niveau. Ceux qui pensent que mon client a souhaité pousser M.Lopes vers la sortie font fausse route : une situation contractuelle s’est simplement présentée et l’Olympique lyonnais a dû prendre des décisions. Comme n’importe quelle entreprise. Entreprise qui aspire à redevenir très compétitive. Donc, oui l’OL revendique le droit de disposer de deux gardiens de haut niveau dans son effectif. Sans que cela ne fasse polémique. Le club n’a pas précisé à M. Tătărușanu qu’il serait numéro 2 car cela semblait évident. L’Olympique lyonnais tient à M.Lopes, et la réciproque est vraie. Tant que cet ancien Bad Gone sera lié au club, il aura sa place dans le but lyonnais. Bien sûr, si M.Lopes venait à avoir une faiblesse, l’OL compte sur M. Tătărușanu pour prendre la relève. Mais la hiérarchie est claire, Sylvinho l’a indiqué en conférence de presse. Ne pourrissez pas le début de saison d’un club enthousiaste de sa révolution brésilienne. Nous confirmons que M.Lopes prolonge jusqu’en 2023 et qu’il devient le joueur le mieux payé de l’entreprise. Ce n’est pas rien, la fidélité est récompensée. Nous plaidons donc « non coupable » en faisant valoir notre droit de disposer de deux gardiens de haut niveau. Comme tout club de haut niveau.
Jugement de Planète Lyon
Messieurs les accusés, mesdames, messieurs les jurés. Nous sommes ici dans une affaire où la responsabilité semble partagée. Après les plaidoiries de chacun des avocats, la Cour a pu analyser en détails les responsabilités de chacun et a pu en déduire une hiérarchie. M.Lopes, vous avez en mains une proposition de prolongation de l’OL depuis la saison dernière. Bien que vous soyez tout à fait dans votre droit lorsque vous manifestez le souhait de négocier avec votre employeur, vous êtes bien celui qui a installé le doute dans toutes les têtes. M.Aulas, pourquoi avoir voulu tenir tête à cet enfant du club ? Oui, les émoluments réclamés par votre gardien sont élevés, mais sa demande est-elle illégitime ? Titulaire depuis 2013 dans un club qui aspire à s’installer de nouveau au sein de l’élite européenne, sa demande n’est en rien choquante au vu des pratiques salariales des plus grands clubs européens. Vous avez mis en avant le sérieux budgétaire pour justifier votre temporisation sur cette prolongation ? Laissez partir M. Yanga-Mbiwa et vous aurez une marge de manœuvre plus intéressante pour négocier avec les joueurs qui comptent. Enfin, M. Tătărușanu, malgré votre expérience dans le milieu, la Cour souligne votre crédulité. L’Olympique lyonnais n’a jamais annoncé officiellement que M.Lopes allait partir. Et ce dernier n’a jamais fait part publiquement de sa volonté de quitter l’OL. Pour éviter que cette situation pourrisse la saison d’un club qui cherche à se réinventer, la Cour autorise M. Tătărușanu à quitter le club en prêt lors du prochain mercato hivernal.
Antoine Valex et Victor Levarlet