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Analyse

Le mystère Traoré

Annoncé sur le départ, Bertrand Traoré a voulu tordre le cou aux rumeurs l’envoyant aux quatre coins de l’Europe en conférence de presse lundi 26 août. En déclinant notamment les assauts répétés d’Everton, le Burkinabé va rempiler à l’OL pour une année supplémentaire. Séduit par le nouveau projet de jeu do brazil insufflé par le duo Juninho-Sylvinho, Traoré se trouve à un tournant de sa carrière olympienne. Parfois génial, souvent frustrant, il aura encore fort à faire cette saison et tout à prouver, pour devenir enfin un titulaire indiscutable du onze lyonnais. Ce qui n’est pas une mince affaire… Décryptage.

Je t’aime moi non plus

Bertrand Traoré à l’OL, c’est d’abord l’histoire d’un coup de foudre. 19 août 2017. Lyon reçoit Bordeaux pour la 3ème journée du championnat de France. Le Groupama stadium découvre encore ses prometteuses et fraîches recrues. Parmi elles, Bertrand Traoré, titularisé sur le flanc droit de l’attaque lyonnaise. 75ème minute. Coup-franc quasi anodin pour l’Olympique lyonnais à une trentaine de mètres de la cage bordelaise. Le nouveau venu se saisit du ballon, tout en décontraction. Le mur adversaire constitué, Traoré peut s’élancer. D’un plat du pied gauche léché et travaillé, l’ailier lyonnais envoie une praline liftée dans la lucarne d’un Benoît Costil impuissant. Tout le stade s’enflamme alors, acquis à la cause de ce talent pur à la nonchalance élégante. Un véritable délice qui annonce la couleur d’une saison disputée et attractive. Cependant, malgré des statistiques bonnes (13 buts et 4 passes décisives pour 31 matchs joués) au cours de l’exercice 2017-2018, Bertrand Traoré rentre rapidement dans le rang et symbolise cet OL new look, intrinsèquement exceptionnel mais profondément décevant.

Technicien hors pair et capable de fulgurances balle au pied, il agace notamment par son manque de rigueur défensive, par ses grigris et autres talonnades dont l’efficacité s’avère somme toute relative. Le principal intéressé s’en défend alors : « On me pointe souvent du doigt parce qu’on me trouve trop nonchalant, trop paresseux ou trop relax sur le terrain, mais c’est mon style ! C’est en moi depuis tout petit. C’est ma manière d’être, de jouer, et même dans la vie courante, je suis ainsi. Je prends du plaisir comme cela. À la base, je suis un joueur qui fait jouer les autres et qui aime beaucoup combiner.  » (OL TV)

Des critiques tenaces qui le poursuivent et ne le lâcheront plus. Deux ans après, sa cote de popularité s’en ressent, et bon nombre de supporters lui ont tourné le dos.

Une saison 2018-2019 à oublier

La preuve, Bertrand Traoré sort d’une saison où son inconstance aura eu raison de lui : s’il a tout de même disputé 34 rencontres, le natif de Bobo-Dioulasso a inscrit seulement sept buts et délivré deux petites passes décisives. Un comble, pour un joueur de sa trempe, tant et si bien que Bruno Genesio, lassé des performances en dent de scie de son titulaire, lui préféra Maxwel Cornet pour la fin de Championnat. Beaucoup plus volontaire et moins avare en repli défensif que son aîné, Cornet inscrira d’ailleurs 6 buts sur les 6 derniers matchs de la saison. Un bouleversement de la hiérarchie gagnant. Pourtant, on oublierait presque que Traoré reste un jeune joueur dont la marge de progression demeure importante. Talent précoce, il a déjà côtoyé les grands de ce monde en évoluant à Chelsea ou l’Ajax Amsterdam. Né en 1995, Traoré peut rectifier le tir et gagner en constance auprès du nouveau staff en place. Souvent prêté au cours de sa carrière, l’Olympique lyonnais lui offre une stabilité qui doit lui permettre de s’aguerrir et de passer un cap. Mais comment expliquer ce retard à l’allumage ?

Un problème de positionnement ?

Bref retour en arrière. Lors de sa première saison sous les couleurs lyonnaises, Bertrand Traoré fut un temps repositionné au cœur de l’attaque lyonnaise par Bruno Genesio. Avec succès. A la pointe d’un 4-4-2 losange, il fait des ravages aux côtés de son compère néerlandais Memphis Depay : à ce poste, il marquera la bagatelle de six réalisations en autant de rencontres et délivrera en bonus une passe décisive. Une « régularité » dans la performance jamais réitérée depuis, pour un joueur qui n’a jamais caché sa « préférence de jouer dans l’axe » (interview dans So Foot). L’année dernière, Traoré s’est très souvent retrouvé sur l’aile. Pour le résultat que l’on connaît. Un poste qu’il devrait néanmoins retrouver à nouveau sous les ordres du coach Sylvinho. S’il n’évolue pas à son poste de prédilection, cela justifie-t-il pour autant ses errements défensifs récurrents, encore observables lors de la défaite à Montpellier mardi ? Sur ce point, il semble difficile de statuer en sa faveur…

Les dangers de la concurrence

Martin Terrier, Maxwel Cornet, Jeff Reine-Adelaïde… Même si le dernier cité est davantage promis par son entraîneur à un poste au milieu de terrain, la concurrence fait rage pour le poste d’ailier à l’OL. Si le nombre conséquent de matchs poussera naturellement Sylvinho et ses adjoints à procéder à un turnover régulier de l’effectif lyonnais, pas sûr que Bertrand Traoré dispose d’une immunité totale à son poste. Il est même d’ores et déjà menacé par le banc des Gones, relativement bien fourni à ce poste : un Martin Terrier un peu plus confiant et sûr de ses qualités pourrait par exemple pousser légitimement Traoré sur le bord de la touche plus vite que prévu. Traoré réussit l’exploit atypique d’être autant brillant qu’ordinaire. Une double casquette difficile à porter, et aux conséquences sportives encore inconnues. Toujours humble et souriant, d’une gentillesse non feinte lors de ses échanges avec les supporters, il est pourtant l’archétype du joueur lyonnais parfait, aux qualités humaines immenses. Tout supporter de l’OL se rappelle de son but plein de dignité et d’émotion contre Everton en Ligue Europa en 2017, au lendemain d’un drame familial. Auteur du premier but lyonnais, Traoré fondit en larmes après sa réalisation, pointa ses doigts au ciel et trouva du réconfort dans les bras d’un Memphis mesuré, au regard grave et compatissant. A la fin du match, il déclarait : « J’ai perdu mon oncle hier et je m’étais promis de marquer ce soir pour pouvoir lui dédier un but. C’était très fort émotionnellement. C’est dur à vivre mais c’est la vie… ». Deux ans après, la vie de Bertrand Traoré s’écrit toujours du côté de Lyon. Et elle peut être très belle.

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